Chauffeur de bus tué à Bayonne : au procès, la violence inouïe en images

Chauffeur de bus tué à Bayonne : au procès, la violence inouïe en images

Le voici qui surgit, vêtu d’un tee-shirt blanc et d’un short bleu, teint hâlé et carrure imposante. Sur les écrans de la salle de la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques sont projetées des images de vidéosurveillance. Les dernières sur lesquelles on peut voir Philippe Monguillot conscient. Le 5 juillet 2020 à Bayonne, ce chauffeur de bus était roué de coups et laissé pour mort par des voyageurs montés sans billet.

Pour la cour, ces images sont cruciales. Si l’intention homicide a été écartée et que les accusés, Wyssem Manai et Maxime Guyennon, tous deux âgés de 25 ans, comparaissent aujourd’hui non pas pour « meurtre » mais pour « coups mortels aggravés », il reviendra toutefois de déterminer si les faits doivent leur être équivalemment reprochés, ou s’ils portent une responsabilité distincte.

Le chauffeur s’écroule après un uppercut très violent

Il est 19 heures passées et les caméras du bus conduit par Philippe Monguillot montrent deux jeunes, casquette à l’envers pour l’un, cheveux décolorés et noués en une queue-de-cheval pour l’autre, installés à l’arrière du véhicule. Pour une raison inconnue ? parce qu’ils ne portaient pas de masque ? parce qu’il avait déjà eu maille à partir avec eux plus tôt dans la journée ? ?, Philippe Monguillot stoppe son bus et se dirige vers le groupe de jeunes. Tout va très vite : on aperçoit le chauffeur demandant aux jeunes gens de descendre. Ils l’encerclent, semblent le défier, l’invectiver, même. Si aucun son n’a été capté, on devine qu’ils sont très virulents, voire menaçants. La vidéo ne laisse cependant pas de place au doute : c’est bien Philippe Monguillot qui, le premier, va porter un coup de tête à Wyssem Manai.

À LIRE AUSSI Chauffeur de bus tué à Bayonne : le procès d’une violence banaliséeS’ensuit une myriade de coups, portés par les deux jeunes passagers sur Philippe Monguillot, qui, tombé au sol, est frappé à la tête à plusieurs reprises. La rixe se déroule hors champ de la vidéosurveillance, mais les témoins la décriront comme ultraviolente. Philippe Monguillot se relève le visage en sang, titubant, « instable sur ses membres inférieurs, groggy », analyse ce lundi le légiste. Une autre vidéo montre cet ultime coup asséné par Wyssem Manai au chauffeur, qui venait de se redresser : un uppercut d’une violence inouïe. Le chauffeur s’écroule et sa tête percute le sol. « Philippe Monguillot, qui pesait environ 100 kg, est tombé comme une feuille, de toute sa masse, sans protection », explique à la cour le médecin légiste. C’est cette chute qui va provoquer la fracture au crâne qui, cinq jours plus tard, conduira au décès.

« C’est parti trop vite, tout ça. Je suis pas un monstre »

Un peu plus tôt dans la journée, la présidente de la cour, Dominique Coquizart, avait invité les accusés à donner leur position sur les faits qui leur sont reprochés. Tour à tour, ils ont décrit un enchaînement de violences qui les a dépassés et dit n’avoir « jamais souhaité la mort » de Philippe Monguillot. « Il nous a demandé de mettre le masque, il nous a insultés. Moi, j’allais sortir, et il m’a mis un coup de tête [?]. Je comprenais rien, je me suis retrouvé K.-O.? J’essayais de me débattre comme je pouvais. J’étais affolé, je comprenais rien », assure d’abord Wyssem Manai, dont l’apparence s’est assagie depuis ce 5 juillet 2020. Exit la casquette et l’épaisse chaîne dorée autour du cou. Ce lundi, le jeune homme portait une chemise blanche et d’épaisses lunettes de vue. Il poursuit, dans un sanglot : « Après ça, mon avocate m’a dit qu’il était mort, j’étais affolé ; pour moi, c’était impossible. Pour moi, c’est un drame, si je pouvais revenir en arrière? J’ai rien compris. C’est parti trop vite, tout ça. Je suis pas un monstre. » Et de tonner : « Si je pouvais donner ma vie à Philippe Monguillot, je le ferais ! »

Maxime Guyennon, qui reconnaît avoir porté deux coups de pied à la tête de la victime, mais qui assure aussi avoir tenté de s’interposer entre son ami et le chauffeur ? ce que confirment des témoins ?, explique à son tour qu’il n’imaginait pas que le chauffeur ait pu se retrouver dans un état aussi grave. « Je ne pensais pas que ça allait aller aussi loin? J’y pense tous les jours », a-t-il déclaré, tee-shirt noir et cheveux attachés en queue-de-cheval.

Au-delà de ces excuses, inaudibles pour la famille, la projection des vidéos, glaçantes, ne permet pas de douter que Philippe Monguillot a été victime d’un déchaînement de violence. Ces images disent aussi que la réalité est toujours plus complexe qu’il n’y paraît. Pour la défense, le coup de tête a provoqué les mis en cause. M^e Dutin, l’avocat de Maxime Guyennon, ajoute qu’« aucun geste de violence ne légitime ce coup de boule très violent ».

Pour la partie civile, M^e Novion inverse l’argument : « On est devant un homme qui a juste fait son travail. Ces jeunes l’ont provoqué, tout fait pour le faire sortir de ses gonds et obtenir un geste qui va leur permettre de se défouler. Ne nous faisons pas enfermer dans la chronologie de ce coup de tête. » Mardi, plusieurs témoins de la scène viendront raconter ce qu’ils ont vu. Une manière de mettre du son sur ces terribles images.