Les députés doivent voter mardi le projet de réforme du gouvernement. En cas d’adoption, le texte sera envoyé au Sénat, avant une convocation du Congrès à Versailles début mars.
Un long chemin législatif. Sauf surprise, les députés devraient poser, mardi 30 janvier, une nouvelle pierre en vue de l’inscription dans la Constitution de la “liberté garantie” pour les femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). L’Assemblée nationale doit se prononcer, en première lecture, sur ce projet de réforme constitutionnelle porté par le gouvernement.
En cas d’adoption, le texte voulu par Emmanuel Macron sera ensuite transmis au Sénat, dominé par la droite et le centre, où il devra être adopté dans les mêmes termes. Une convocation du Congrès constitue le passage final. Franceinfo récapitule le calendrier à venir.
1 Une adoption du texte sans suspense à l’Assemblée
Dans un contexte de remise en cause du droit à l’IVG dans certains pays occidentaux, notamment aux Etats-Unis, Emmanuel Macron a annoncé fin octobre 2023 qu’il déposerait un projet de loi au Conseil d’Etat pour inscrire dans la Constitution la “liberté des femmes de recourir à l’interruption volontaire de grossesse”. En définitive, le texte du gouvernement prévoit d’inscrire dans la Constitution le fait que “la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours” à l’IVG.
Cette formulation a été choisie pour tenter de trouver une voie médiane entre deux options. Fin 2022, l’Assemblée nationale avait voté à une large majorité une proposition de La France insoumise (LFI) qui visait à garantir l'”accès au droit à l’IVG”. De son côté, le Sénat, avait avalisé début 2023 une version ne mentionnant pas de “droit à l’IVG” mais la “liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse”.
Le gouvernement a donc repris la version en y ajoutant la notion de liberté “garantie”, ce mot devant “créer un bouclier (…) qui protège le droit à l’IVG tel qu’il est défini aujourd’hui (délais, remboursements…)”, a précisé à l’AFP le rapporteur du texte, le député Guillaume Gouffier-Valente (Renaissance).
REPORTAGE. Formation à l’IVG : “C’est important de dire qu’on fait ce travail de l’ombre avec conviction”, témoignent des médecins
https://www.francetvinfo.fr/societe/ivg/reportage-formation-a-l-ivg-c-est-important-de-dire-qu-on-fait-ce-travail-de-l-ombre-avec-conviction-temoignent-des-medecins_5465113.htmlSignal positif pour l’exécutif, la formulation proposée par le gouvernement a déjà été validée par les députés dans la nuit du 24 au 25 janvier, lors de l’examen du texte. La gauche devrait donc largement soutenir la proposition mardi, lors du vote solennel, même si dans ses rangs (et ceux du groupe Liot), certains ont rappelé qu’ils auraient préféré la notion de “droit” à celle de “liberté”. Les élus de droite et d’extrême droite pourraient, eux, se diviser, certains s’inquiétant que la constitutionnalisation du recours à l’IVG entraîne, à terme, d’éventuels allongements de la durée légale pour un avortement, ou une remise en cause de la clause de conscience des soignants refusant de le pratiquer.
2 Un examen plus risqué au Sénat
Les débats devraient en revanche se révéler plus compliqués au Sénat, où le texte devrait arriver le 28 février. Le texte doit être adopté dans les mêmes termes par les deux chambres. Les sénateurs de droite s’accommoderont-ils de la notion de “liberté garantie” ? La formule fait tiquer le sénateur Les Républicains (LR) Philippe Bas. Interrogé mi-septembre sur Public Sénat, il avait affirmé qu’il “n’acceptera[it] pas n’importe quoi”.
“Je suis pour la reconnaissance d’une liberté encadrée, pas pour la reconnaissance d’un droit illimité, absolu ou opposable.”
Philippe Bas, sénateur LR
sur Public Sénat
Mardi 23 janvier, le président du Sénat a par ailleurs redit son opposition à l’inscription de l’IVG dans la Constitution. “L’IVG n’est pas menacé dans notre pays. S’il était menacé, croyez-moi, je me battrais pour qu’il soit maintenu. Mais je pense que la Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux”, a argumenté Gérard Larcher sur franceinfo.
“Dans une réforme constitutionnelle, chaque chambre a en quelque sorte un veto sur l’autre”, a reconnu auprès de l’AFP Guillaume Gouffier Valente, expliquant “respecter le travail des sénateurs”. “La rédaction proposée est à 90% issue de leur travail”, souligne-t-il toutefois.
Si la chambre haute venait à ne pas adopter la réforme fin février, le texte reprendrait la navette parlementaire, bouleversant le calendrier prévu par l’exécutif. Le site vie-publique.fr rappelle que dans le cadre d’une révision constitutionnelle, il ne peut pas y avoir de convocation d’une commission mixte paritaire, cette instance chargée, pour les lois ordinaires, de trouver un compromis entre les deux chambres.
3 Une réunion du Congrès à Versailles pour un vote final
Si le texte est adopté à l’Assemblée et au Sénat dans les mêmes termes, la dernière étape se situe au château de Versailles, où les 925 élus sont réunis en Congrès. L’exécutif espère qu’il sera convoqué le 5 mars, trois jours avant la Journée internationale des droits des femmes.
Pour adopter la révision de la Constitution, les parlementaires doivent se prononcer à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, sans possibilité de modifier le texte. Depuis 1958, sur 24 révisions constitutionnelles, 21 ont été approuvées par le Congrès, lors de 16 réunions, détaille le site de l’Assemblée nationale.
La majorité peut espérer réunir les voix suffisantes. En additionnant tous les votes Renaissance, de la gauche, des groupes Liot et radicaux, elle arrive à 551 voix, à quatre voix des trois cinquièmes nécessaires à l’adoption (et ce, si aucun élu ne choisit de s’abstenir), estimait cet automne une source gouvernementale à franceinfo. La majorité devrait donc avoir besoin de convaincre seulement quelques élus centristes ou LR.
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