Le logo de Disney (photo d’illustration).
Disney n’est pas tous les jours un royaume enchanté pour Bob Iger. Le patron de la société américaine voit depuis de longs mois Trian Fund Management contester sa stratégie. Le cofondateur de ce fonds activiste, Nelson Peltz, a toutefois échoué à entrer au conseil d’administration du groupe de divertissement début avril. Il espérait un deuxième siège pour Jay Rasulo, ancien directeur financier de Disney, lui aussi recalé, ainsi que le départ de deux dirigeants.
Un autre fonds activiste, Blackwells Capital, poussait aussi ses pions et proposait la nomination de trois nouveaux membres au sein du conseil, dont Jessica Schell, une ancienne cadre de Warner Bros. et de NBC Universal. Mais c’est bien la liste proposée par la direction de The Walt Disney Company qui l’a emporté.
Une victoire qui ne devrait pas pour autant signer la fin de la gronde des actionnaires. Les reproches ne portent pas seulement sur les performances économiques et financières du groupe, plutôt encourageantes au dernier trimestre, mais revêtent une dimension politique.
Actionnaires opposés à une supposée dérive “woke”
L’assemblée générale de la société, qui s’est déroulée le 3 avril en Californie, en a été une nouvelle illustration. Un actionnaire a notamment estimé que les dons de Disney à des organisation défendant la cause LGBTQIA+ resprésentaient “des activités extrêmes qui ignorent les croyances d’une majorité d’Américains”, rapporte Bloomberg.
Un autre a usé d’une métaphore de La Petite Sirène pour accuser l’entreprise de devenir “l’Ursula qui vole la voix de milliers de petites Ariel à travers le monde”, en participant au financement d’offres de soins couvrant des opérations pour les personnes transgenres.
Une partie des actionnaires n’hésitent donc pas à mener une guerre culturelle contre la direction de Disney. Nelson Peltz lui-même ne cache pas sa désapprobation face aux films de l’univers Marvel du géant du divertissement mettant en avant des femmes ou des héros noirs.
Elon Musk affiche son soutien au turbulent Nelson Peltz
Il a d’ailleurs reçu début avril le soutien d’Elon Musk, sur le réseau social X. Le puissant milliardaire conservateur estime que Nelson Peltz devrait “absolument” intégrer le conseil d’administration de Disney, dont il servirait “au mieux” les intérêts des actionnaires. Le fondateur de Tesla et SpaceX avait quelques jours plus tôt ironisé sur les contenus “woke” de Bob Iger et de la productrice Kathleen Kennedy, nommée à la tête de Lucasfilm depuis son rachat en 2012 par Disney.
“Le job de Disney c’est de divertir, pas de faire de la politique”, estime de son côté le patron de The Walt Disney Company, dans une interview accordée à CNBC après l’assemblée générale du groupe.
“Si Disney peut avoir un impact positif sur le monde, par exemple en faisant progresser l’acceptation de la différence, tant mieux”, a-t-il ajouté.
Bob Iger sous pression dès son retrour aux manettes
Rappelé fin 2022 à la tête de l’entreprise, Bob Iger a très vite essuyé les critiques de Nelson Peltz.
Après plus de 15 ans passés aux manettes de Disney, le charismatique patron avait cédé la place à Bob Chapek début 2020. Son éphémère remplaçant a accumulé les faux pas, entrant en conflit ouvert avec l’actrice Scarlett Johansson, tête d’affiche du film Black Widow, avant de se retrouver au centre d’une controverse après avoir refusé de se prononcer sur la loi “Don’t Say Gay” en Floride. Il s’est en outre mis à dos les fans et les salariés suite à des décisions impopulaires.
Bob Iger est donc revenu pour impulser une nouvelle dynamique, post-crise sanitaire. Un retour que n’a pas goûté Trian Fund Management, reprochant pêle-mêle un passage de témoin calamiteux, des rémunérations trop élevées des dirigeants de Disney et même le rachat de la 20th Century Fox, finalisé en 2019. Mais c’est sûrement la stratégie de l’entreprise dans le streaming qui a suscité le plus de remous.
Le pari de trois milliards de dollars du fonds spéculatif sur Disney serait en grande partie responsable de sa sous-performance en 2023, par rapport à ses pairs activistes, selon des détails financiers qu’un investisseur de Trian a fourni à Reuters. Au 31 décembre 2023, le fonds était le cinquième actionnaire de Disney, avec une participation de 1,76%.
Activité de streaming toujours pas rentable
Si le groupe peine à rentabiliser ses activités de streaming, la dynamique financière est plutôt positive pour Disney ces derniers mois. Les pertes opérationnelles de ses plateformes (Disney+, Hulu et ESPN+) se sont réduites au premier trimestre de son exercice décalé, d’octobre à décembre 2023, à 138 millions de dollars, contre un déficit de 984 millions un an auparavant.
Si Disney+ a perdu 1,3 million d’abonnés pendant la période des fêtes, en raison de prix élevés, la plateforme lancée fin 2019 en avait gagné 7 millions au précédent trimestre. Elle revendique désormais plus de 111 millions d’abonnés. Un chiffre qui grimpe à 150 millions en comptabilisant la version indienne, Disney+ Hostar.
Bob Iger vise la rentabilité cette année pour le service de streaming. Et pour cela, il compte appliquer la même recette que le concurent Netflix, qui affiche 260 millions d’abonnés fin 2023 et un bénéfice net annuel supérieur à 5 milliards de dollars.
Disney compte ainsi s’attaquer aux partages de comptes à partir du mois de juin. L’entreprise invitera ceux qui utilisent Disney+ sans payer d’abonnement à le faire, d’abord aux États-Unis, puis progressivement dans le reste du monde.
Plus tard dans l’année, les abonnés pourront permettre l’accès à leur compte aux personnes extérieures à leur foyer moyennant des frais supplémentaires. Le tarif de cette option n’est pas encore connu. Il s’élève à 5,99 euros par mois sur Netflix.
En attendant, Bob Iger s’est déjà offert les droits du concert de Taylor Swift, “The Eras Tour”. Un pari gagnant, dans la mesure où le film musical est devenu le meilleur lancement de la plateforme.
Diversification dans les jeux vidéos
Disney mise par ailleurs sur de nouveaux relais de croissance. Dans son viseur figurent notamment les jeux vidéo. Le groupe a annoncé début février un investissement de 1,5 milliard de dollars dans Epic Games, l’éditeur de Fortnite.
Une prise de participation qui s’inscrit dans le cadre d’un partenariat pluriannuel pour développer “un univers de jeu et de divertissement”. La société veut ainsi capitaliser sur ses nombreuses licences et multiples personnages, des films d’animation Disney et Pixar aux longs-métrages et séries Marvel et Star Wars, en les réunissant au sein d’un univers 3D sur le modèle de Fortnite.
Disney a par ailleurs prévu de sortir cette année la suite de son film d’animation à succès Vaiana: la légende du bout du monde.
L’inventeur de Mickey et Picsou a engrangé des bénéfices supérieurs aux attentes au premier trimestre de son exercice décalé, à 2,15 milliards de dollars. Le conseil d’administration du groupe a bien résisté ensuite à la contestation d’actionnaires activistes. Mais la question de la succesion de Bod Iger reste en suspens. Le dirigeant de 73 ans doit définitivement partir à la retraite à la fin de l’année 2026. D’ici-là, Disney pourrait encore subir des attaques, pour infléchir sa stratégie et réclamer du sang neuf à sa tête.
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