Violences économiques : comment les reconnaître ?

Ma minute finance. – Chaque semaine, Aurore Perrin nous parle argent avec la chronique Ma Minute Finance. Aujourd’hui, elle ne parle pas de « savoir gérer son argent » mais de « pouvoir gérer son argent ». En effet, à l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences économiques, elle revient sur ce phénomène méconnu mais malheureusement très répandu…

Accéder à l’autonomie financière n’est pas une évidence pour tout le monde. Par autonomie financière, je ne parle pas d’être indépendant financier (vivre de ses rendements). Je parle tout simplement d’avoir accès à un compte en banque. De pouvoir disposer de vos revenus. D’avoir le droit de dépenser son argent comme bon vous semble. De pouvoir investir votre argent comme vous l’entendez. Cela vous semble aberrant ? Et pourtant, il y a en France 41 % des femmes qui déclarent avoir subi des violences économiques de ce type. Et 23 % de la part de leur compagnon actuel (1).

Ce chiffre est choquant, et montre qu’en 2023, la question n’est pas toujours de « savoir gérer son argent » mais de « pouvoir gérer son argent ». Et cela concerne les personnes les plus vulnérables. À l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, ce 25 novembre, intéressons-nous à ce phénomène trop peu connu : en quoi consiste-t-il, qui concerne-t-il, comment le reconnaître, comment s’en protéger ou en protéger ses proches…

Quelles réalités derrière les violences économiques ?

Les violences économiques conjugales peuvent être définies comme tous comportements visant à contrôler les ressources financières de son/sa partenaire, à limiter son accès à l’argent, à l’emploi ou aux biens et services nécessaires, et à la maintenir économiquement dépendante. Une étude menée en 2022 par Solidarité femmes apporte un premier chiffre sur les violences économiques : 25 % des femmes victimes de violences conjugales sont victimes de violences économiques. Et ces violences sont en augmentation de 6 % en 2021. Cela implique des comportements comme du chantage économique (52 % des situations), non-participation aux charges et contrôle des dépenses (41 %), dépossession des ressources financières (18 %)…  Et, si 12 % des hommes ne considèrent pas le fait de forcer sa conjointe à un rapport sexuel comme un acte de violence, on apprend aussi que 26 % d’entre eux ne pensent pas qu’empêcher une personne d’avoir accès à ses revenus soit une violence conjugale ! Et cette violence n’a pas de qualification juridique, ce qui la rend très difficile à reconnaître.

LES VIOLENCES ÉCONOMIQUES CONJUGALES SE DÉFINISSENT PAR UN CONTRÔLE, UN APPAUVRISSEMENT OU UN MANQUE À GAGNER QUI PEUVENT ALLER JUSQU’À LA DÉPOSSESSION TOTALE DES MOYENS D’AUTONOMIE FINANCIÈRE DES FEMMES

Pour aller plus loin dans l’enquête sur l’exposition des Françaises aux violences économiques dans le couple, renforcer la prise de conscience sur cette réalité et apporter plus de données chiffrées, le collectif Les Glorieuses a donc mené en octobre 2023 une enquête avec l’Ifop (1), mise en avant sur une plateforme dédiée.

Pour aller plus loin, j’ai échangé avec Héloïse Bolle est la fondatrice d’ Oseille & compagnie, une société de conseil en gestion de patrimoine et d’éducation financière. Elle est aussi autrice de « Les bons comptes font les bons amants » (Cherche-midi éditeur, 2019) et de « Aux thunes, citoyennes ! » co-écrit avec Insaff el Hassini (Alisio, 2023). Porte-parole du mouvement et co-créatrice du baromètre, elle précise : « on ne s’attendait pas à avoir de tels chiffres. Nous avons certes pris une définition large des violences économiques, mais par exemple : habiter dans un logement dont on est propriétaire et exiger de l’autre un loyer, c’est déjà une forme de violence économique. Il faut déjà une prise de conscience chez les femmes que ce qui leur arrive n’est pas normal. Dans leur entourage et chez leurs compagnons ou leurs compagnes aussi. ».

En effet, le baromètre liste une multitude d’exemples, classés par degré de gravité qui permet aux personnes concernées de prendre conscience des violences.

violences économiques : comment les reconnaître ?

© Presse

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Elle, qui rencontre aussi des femmes dans cette situation, par son quotidien de conseil patrimonial, insiste aussi sur ce message : « très souvent ce n’est pas leur faute, et quand bien même ce serait leur faute, ce n’est pas grave. La réalité, c’est que c’est une situation qui est dangereuse pour elles. Quand on est dans une situation dangereuse, c’est difficile de s’en sortir. C’est bien de pouvoir en parler. À une collègue, à une sœur, un frère, un parent… On se trouve toujours tous les défauts du monde. En parler permet de laisser des traces, pour plus tard témoigner par exemple. Si vous êtes cet entourage, mettez les pieds dans le plat. »

À cet effet, la plateforme des Glorieuses cite des exemples de signes qui peuvent être des alertes : si la personne laisse souvent son sac à main à la maison et emprunte de l’argent pour payer des factures, paie souvent en liquide, hésite longuement avant de faire un achat pourtant peu onéreux, ou dit « il ne me laissera dépenser de l’argent pour ça… ». Si la personne semble être en conflit avec son partenaire sur des sujets d’argent, de salaires, d’épargne ou qu’elle souligne qu’elle n’a pas connaissance de « ces choses-là » ou encore qu’elle exprime son désir de travailler tout en soulignant que son partenaire ne l’encourage pas.

Face à cette situation, et d’autant plus parce que les violences économiques se produisent rarement de manière isolée, il est indispensable d’encourager la personne à parler, l’écouter, montrer qu’on la croit et qu’on ne la juge pas, essayer de la sortir de l’isolement via des associations par exemple comme Solidarité femmes ou au 3919. Si vous identifiez un danger immédiat, il est nécessaire de prévenir la police et de partir.

Violences conjugales ou économiques : et après ?

Parmi les réalités auxquelles sont confrontées les femmes victimes de violences conjugales, qu’elles soient économiques ou pas, il existe aussi un après qui peut entraîner une autre forme de violence économique à leur égard. En effet, quand une femme quitte le domicile conjugal, elle doit partir de manière précipitée, souvent pour aller dans un foyer d’hébergement ou chez des proches, et entamer une vie de transition en attendant de pouvoir se mettre en sécurité et se reconstruire.

L’aspect financier entre vite en jeu. En général, les associations qui apportent leur aide aux victimes, les prennent en charge dans les premiers jours et leur versent une aide financière. Cependant, comme le souligne Marie Degrand-Guillaud, directrice générale déléguée de la banque Nickel, pionnière dans l’inclusion financière et partenaire de la Croix-Rouge – via un programme qui aide ses bénéficiaires à se reconstruire notamment grâce à une prise en charge psychologique et à un accompagnement vers la réinsertion professionnelle et l’indépendance financière – elles se heurtent à des contraintes matérielles : comment fournir un moyen de paiement qui ne soit pas du liquide, activable de manière simple, incluant un RIB pour permettre des transactions… Avec un minimum de pièces justificatives, sans fournir de justificatif de domicile, etc.

Ainsi, Nickel permet à ces personnes d’ouvrir un compte bancaire en 5 minutes chez un des 7300 buralistes partenaires. Marie Degrand-Guillaud observe que, pour les femmes victimes de violences économiques, les documents administratifs sont souvent au nom du conjoint maltraitant. C’est pourquoi, pour ouvrir un compte, il faut simplement avoir un numéro de téléphone et fournir un document d’identité, même étranger. Moyennant un versement de 20 euros, qui peut se faire en liquide et représente le coût annuel du service, le ou la client(e) repart directement avec une carte bancaire et un RIB imprimé sur un ticket de caisse. Il/elle peut également suivre son compte en temps réel via son application.

En favorisant l’accès à un compte bancaire et la gestion des dépenses et du budget, des solutions comme Nickel permettent de réduire le stress lié à une situation financière complexe et renforcent le sentiment d’autonomie de ses utilisateurs. Par ailleurs, se former sur les sujets financiers, comprendre leurs enjeux et provoquer la discussion en cas de situation d’inégalité subie est indispensable. Si le dialogue est compliqué mais souhaité par les deux partis, il est possible de se rapprocher de médiateurs ou conseillers conjugaux pour débloquer la situation. Si, en revanche, il n’y a pas volonté partagée de sortir d’une situation injuste ou de résolution pacifique du conflit, vous pouvez demander de l’aide et partir.

(1) « Étude Ifop pour Les Glorieuses réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 17 au 19 octobre 2023 auprès de 951 femmes ayant déjà été en couple, extrait d’un échantillon de 1 101 femmes représentatif de la population féminine vivant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus. ».

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