A quoi fait référence Marine Le Pen quand elle évoque «quelques ministres soignés par le docteur Raoult» ?

Pour sa première prise de parole depuis son retour sur les bancs de l’Assemblée, mercredi 14 février, Olivier Véran a choisi de s’inscrire en défense du projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Quelques minutes plus tard, le texte a été adopté dans son ensemble, à l’issue d’un ultime vote. Mais auparavant, applaudi par ses collègues de la majorité, l’ancien ministre s’est attaqué à celui qu’il a qualifié de «charlatan de la Canebière», le professeur Didier Raoult, ancien directeur de l’IHU de Marseille. «Avant de venir, j’ai cherché sur Google, j’ai tapé par exemple “gourou” et “Raoult», et j’ai trouvé plus de réponses qu’en tapant “science” et “Le Pen”. Pendant la pandémie, il y a eu d’un côté nos blouses blanches […] et puis il y a eu Didier Raoult. Les premiers ont gagné notre estime et notre respect. Le second a gagné de l’argent et des disciples. Est-ce que les critères de dérive sectaire sont réunis ? A minima, il y a l’objet de débats.»

Son ancienne collègue au gouvernement Sabrina Agresti-Roubache, chargée de porter le texte au Parlement en tant que secrétaire d’Etat chargée de la Citoyenneté, s’est ensuite exprimée. Se gardant bien, alors, de revenir sur le cas de Didier Raoult et ses interventions polémiques au plus fort de la pandémie de Covid-19. Toutefois, l’exposé d’Olivier Véran n’avait pas échappé à l’intervenante suivante, Marine Le Pen, qui préside le groupe Rassemblement national et se positionnait contre le projet de loi. «Pardon, mais s’il y a bien une personne aujourd’hui qui ne devait pas prendre la parole, c’est M. Véran, qui a dit tout et l’inverse de tout pendant la crise du Covid», a lancé l’ex-candidate à la présidentielle. Développant ensuite : «Il a osé parler de M. Raoult. Alors on va parler du professeur Raoult, parce que c’est un sujet fondamental. Mais dites-moi, il n’y a pas quelques ministres qui ont été soignés par le docteur Raoult ? Il n’y a pas quelques-uns de vos grands maires, présidents de conseils régionaux qui ont été soignés par le professeur Raoult ? Il n’y a pas un président de la République qui est allé pour rendre hommage au professeur Raoult ? Et maintenant, vous le traînez dans la boue.»

A quels ministres Marine Le Pen faisait-elle ainsi référence ? En réalité, à une seule ministre, celle-là même qui se trouvait alors dans l’hémicycle pour défendre la loi émanant de son gouvernement : Sabrina Agresti-Roubache. De fait, la ministre originaire de Marseille a été soignée à l’IHU pour une forme grave de Covid-19 en mars 2020. Et est même présentée comme la femme derrière la rencontre, trois semaines plus tard, entre Emmanuel Macron et Didier Raoult, le président de la République ayant rendu une visite surprise au directeur d’alors de l’institut marseillais.

a quoi fait référence marine le pen quand elle évoque «quelques ministres soignés par le docteur raoult» ?

Sabrina Agresti-Roubache à l’Elysée en décembre.

Dès le 23 mars, six jours après sa contamination, Agresti-Roubache avait d’ailleurs témoigné au micro de BFMTV. Racontant comment, 24 heures après le début de son traitement à l’hydroxychloroquine, l’antipaludéen prôné par Didier Raoult pour soigner le Covid-19, elle avait vu son état s’améliorer largement. «Je ne suis pas médecin […] mais moi, en tout cas, j’ai vu mon état avant et mon état après. Ça n’a rien à voir», affirmait celle qui exerçait alors la profession de productrice de télévision.

Le 9 avril, Emmanuel Macron s’était rendu à l’IHU Méditerranée Infection, passant plus de trois heures à échanger avec Didier Raoult. Par pur «intérêt du chef de l’Etat pour des essais thérapeutiques», avait temporisé l’entourage du Président. Puis le 24 mai, le Monde avait révélé qu’à la source de cette séquence, on trouvait Sabrina Agresti-Roubache et son mari. Amie de la première dame, Agresti-Roubache lui avait vanté les mérites du traitement reçu à l’IHU, lors d’un coup de fil entre les deux femmes : «Brigitte s’inquiète et prend de mes nouvelles, je lui dis que je suis soignée à la chloroquine et que ça a l’air de marcher, en deux jours je vais déjà mieux». «Plutôt que de vous dire “vous prenez un doliprane et vous rentrez à la maison”, je racontais à Brigitte que ça avait été formidable parce qu’on te proposait une molécule que l’on connaît», avait complété la Marseillaise auprès de BFMTV. Son époux, qui connaît Didier Raoult, s’était ensuite chargé de mettre Emmanuel Macron en relation avec l’infectiologue. «Le Président se retrouve face à une crise incroyable, c’est-à-dire une crise inédite, il me semblait logique qu’il vienne à Marseille voir ce que faisait le professeur Raoult», avait justifié Sabrina Agresti-Roubache à l’antenne de la chaîne d’info.

«C’est facile de critiquer a posteriori»

Interrogée par L’Express, en décembre dernier, sur cette apparente contradiction entre la position qu’elle devait tenir au nom du gouvernement, aspirant à lutter contre les dérives sectaires en matière de santé, et son discours élogieux quant aux méthodes de Didier Raoult, Sabrina Agresti-Roubache avait écarté tout soupçon d’ambivalence. «Je n’ai vu Didier Raoult qu’une seule fois, en 2021, lorsque je voulais produire un documentaire sur “l’effet Raoult” à Marseille. J’ai passé deux heures dans son bureau. Mais je n’ai jamais été son amie», relatait la désormais ministre. Sur son propre vécu, elle explique que son récit «était celui d’un patient qui rapporte son expérience» : «On m’a dit de prendre du Zithromax et du Plaquénil [le nom commercial de l’hydroxychloroquine, ndlr]. J’ai signé une fiche de consentement et j’ai passé des examens qui indiquaient que je pouvais supporter ce traitement. Et, après, c’est allé mieux. Si on m’avait donné autre chose, j’aurais aussi dit que ça avait eu l’air de marcher. A l’époque, personne ne savait qui allait s’en sortir ni quels médicaments fonctionnaient, et Raoult était respecté dans son domaine. C’est facile de critiquer a posteriori. Quand il a commencé à tenir des propos remettant en question l’efficacité du vaccin, j’ai vu les choses différemment, comme tout le monde.»

De son point de vue, donc, Didier Raoult «ne serait pas concerné par ce projet de loi». Le texte vise les «gourous» dont les pratiques «provoquent de graves dégâts psychologiques et physiques», tandis que l’infectiologue «n’a pas dit à des personnes atteintes d’un cancer : “Arrêtez la chimio, prenez du Plaquénil, vous allez guérir”», argue Agresti-Roubache. Par cette position, elle se distingue ainsi de la ligne défendue à l’Assemblée par Olivier Véran et d’autres membres de la majorité.

Outre Agresti-Roubache, si d’autres ministres de l’actuel gouvernement ont été contaminés par le Covid-19 – comme le locataire de Bercy, Bruno Le Maire, ou le ministre délégué au Quai d’Orsay, Franck Riester – aucun n’a indiqué avoir été traité à l’hydroxychloroquine. Pour cause, le traitement a dans un premier temps été testé sur les patients de l’IHU de Marseille, puis réservé aux malades graves hospitalisés dès mars 2020, conformément aux recommandations du Haut Conseil de la santé publique, avant d’être finalement interdit au mois de mai suivant.

Enfin, quand Marine Le Pen mentionne des «grands maires» et «présidents de conseils régionaux» membres de la majorité qui auraient également été «soignés par le professeur Raoult», il semble qu’elle fasse référence à Christian Estrosi et Renaud Muselier. Tous deux anciennement élus sous l’étiquette Les Républicains, ils ont rejoint la macronie courant 2021. Le premier, maire de Nice, avait suivi le protocole à base d’hydroxychloroquine mis au point par Didier Raoult après avoir été testé positif au Covid-19, puis avait exhorté les autorités de santé à «faire confiance au professeur» au fil de ses interviews. Le second, à la tête du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, n’a pas, pour sa part, été lui-même soigné à l’IHU. Mais Renaud Muselier, qui avait appelé Olivier Véran à «laisser le professeur Didier Raoult et les médecins de l’IHU de Marseille soigner», a rapporté que sa mère, ayant contracté le Covid en octobre 2020, avait été hospitalisée dans le service de Raoult et ainsi «sauvée».

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