Si la Russie peut combattre en Ukraine, c'est (en partie) grâce à son intouchable industrie nucléaire

L’uranium enrichi russe fournit près de 30 % des centrales nucléaires européennes.

Si de nombreuses sanctions ont été imposées à la Russie depuis février 2022, son industrie de combustible nucléaire, faute d’alternative occidentale, n’est pas concernée.

Dès le lendemain de l’invasion russe en Ukraine, le 24 février 2022, les États-Unis et l’Europe ont imposé des sanctions économiques et financières à Moscou. Un grand nombre d’entreprises ont été interdites de transactions avec l’Ouest et l’importation de certaines matières premières russes a été limitée en nombre. Dans une tribune publiée ce 9 avril dans Foreign Policy, Lloyd Doggett, élu démocrate du Texas, appelle à imposer des sanctions contre une entreprise clé de l’économie russe : Rosatom.

Rosatom est un fournisseur en combustible nucléaire. Il approvisionne, rappelle un article de La Tribune, publié en février, entre 25 et 30 % des centrales nucléaires en Europe. Selon l’élu démocrate, 20 % de la demande américaine en uranium enrichi sont acquis auprès de Rosatom. Cette place prégnante sur le marché, et l’incapacité pour l’Occident de trouver des alternatives viables rapidement, explique sûrement pourquoi aucune sanction n’a jamais été prise contre cette entreprise.

L’indulgence autour de Rosatom permet à la Russie de contourner les sanctions occidentales

L’entreprise russe spécialisée dans l’énergie nucléaire, véritable descendante du ministère de l’Énergie atomique soviétique, s’est, depuis l’invasion en Ukraine, transformée en “cheval de Troie” pour servir les intérêts russes en Occident, en contournant les sanctions, estime Lloyd Doggett. En janvier 2023, le Washington Post avait révélé que Rosatom participait à l’approvisionnement de l’industrie de la défense russe en équipement, en matières premières – notamment pour la construction de combustibles pour missiles ou de batteries pour les tanks.

Lloyd Doggett note également que Rosatom a récemment acquis Fesco, une entreprise russe de transports, qui a pris l’habitude de se faire payer en yuans pour contourner les sanctions imposées sur le rouble. Rosatom contrôle donc désormais, en plus d’une grande partie de la production mondiale d’uranium enrichi, une trentaine de navires et plus de 170 000 conteneurs.

Rosatom a investi dans tous les secteurs d’activités qui peuvent aider la Russie à gagner la guerre

Mais Rosatom ne s’arrête pas là. Ces dernières années, elle a acquis d’autres compagnies, notamment spécialisées dans la production de batteries au lithium, de logiciels de cybersécurité, ou encore d’équipements industriels. Toutes ces entreprises, désormais sous le giron de Rosatom – jamais inquiétée par les sanctions européennes et américaines –, sont donc devenues intouchables.

Pour l’élu texan, cette opportunité trouvée par l’entreprise russe est en partie ce qui permet à Moscou de mener une guerre sur le long terme. Et l’inaction de l’Occident sur ce plan contribue à donner de la force à la Russie tout en soutenant officiellement l’Ukraine dans le conflit. D’autant qu’une proposition de loi pour imposer des sanctions à Rosatom et à toutes ses succursales a été votée à la Chambre des représentants des États-Unis en 2023. Elle n’a pas encore été discutée au Sénat et ne peut donc pas entrer en vigueur.