Océan : le doigt glacé de la mort, un phénomène rare et redoutable

Si les conditions de vie semblent infernales sur les banquises polaires, sous l’eau un phénomène rare et redoutable menace les espèces sous-marines.

Connu depuis les années 1960 mais filmé pour la première fois en 2011 seulement (par la BBC), le “doigt de la mort” est l’un des phénomènes les plus glaçants de notre planète. Aussi appelé “brinicle”, d’après la contraction des termes anglais brine (saumure) et icicle (stalactite), ce long tube de glace descend de la surface gelée vers les profondeurs. Bien qu’elle se brise souvent sous son propre poids, la brinicle atteint parfois le fond et élimine alors toutes les créatures trop lentes pour s’éloigner rapidement. En effet, contrairement aux apparences, la vie est abondante dans ces eaux froides mais protégées des températures extrêmes par la glace, qui fait office d’isolant. Or une brinicle peut propager ce froid intense jusqu’au plancher océanique. Les oursins, les étoiles de mer ou les algues se retrouvent alors figés dans une traînée de glace et meurent rapidement. Les doigts de la mort ne se forment que dans les eaux les plus froides de la terre, sous de la glace de mer, donc le plus souvent sous les banquises des océans polaires, en Arctique et en Antarctique.

Un phénomène difficile à observer

En 2015, au cours de l’expédition Antarctica initiée par Luc Jacquet (réalisateur de La Marche de l’Empereur), l’équipe Gombessa, dirigée par le biologiste et photographe Laurent Ballesta, a réalisé d’exceptionnelles plongées près de l’îlot de la Baleine.

>> Le making-of de l’incroyable expédition Antarctica!

Durant l’une de ces descentes, le photographe est parvenu à saisir trois brinicles en formation. Les images de cette expédition de l’extrême ont été publiées dans l’ouvrage Adélie, terre & mer (éd. Paulsen-Kobalann, 2016).

Les particularités de l’eau de mer

Décrit par l’océanographe américain Seelye Martinen dès 1974, ce phénomène repose sur le fait que la mer ne gèle pas de la même manière que l’eau de votre bac à glaçons. Quand elle atteint environ -2° C, l’eau de mer se fige et expulse les impuretés, notamment le sel ; des poches d’eau extrêmement salée se forment. La banquise est donc “mitée” de cavités remplies de saumure. Leur teneur en sel les empêche de geler, mais leur densité les entraîne vers le bas. Si des fractures apparaissent dans la banquise, la poche s’y déverse. Au contact de l’eau liquide, la saumure, bien plus froide (elle peut atteindre -20° C), gèle la mer autour d’elle ; une stalactite se forme. Au cœur du tube, la saumure continue de s’écouler. Si son flux se maintient et que les courants sont faibles, la stalactite poursuit sa croissance. Une fois au sol, elle se développe à l’horizontale, créant une piste de glace létale pour la faune et la flore.

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