Lyon : la dissolution du groupuscule d’ultradroite Les Remparts enclenchée
Cette photographie prise le 2 mai 2024 montre l’entrée du bar « La Traboule » à Lyon, dans le centre-est de la France. AFP
Les Remparts pourraient bientôt connaître le destin de son prédécesseur, Génération identitaire. Une procédure de dissolution du groupuscule lyonnais d’ultradroite, réclamée de longue date par des élus locaux, a été engagée par le ministère de l’Intérieur, a appris ce jeudi l’AFP de source proche du dossier, confirmant une information du Progrès.
Le ministre Gérald Darmanin avait indiqué jusqu’alors que ses services « y travaill (ai) ent », mais sans fixer d’échéance. « Une notification a été adressée mercredi soir aux Remparts, qui ont dix jours pour se défendre », a précisé cette source.
À l’issue de la période contradictoire, la dissolution devra être adoptée en Conseil des ministres. Par ailleurs, le même courrier a été adressé aux associations La Traboule et Top Sport Rhône, qui gèrent le bar éponyme et la salle de sports de combat l’Agogé, points de rencontre des militants d’ultradroite dans le quartier du Vieux Lyon.
Appels à la haine et manifestations violentes
La capitale des Gaules est l’une des places fortes de cette mouvance et compte entre 300 et 400 militants, selon les autorités locales. Tête de pont de ces cercles, l’organisation Les Remparts a été édifiée en 2021 sur les cendres de Génération identitaire, dissoute par les autorités pour incitation à la discrimination, la haine et la violence.
Le groupuscule, qui revendique pour sa part 900 adhérents, se présente sur ses réseaux sociaux comme une « maison de l’identité » et un « rempart civilisationnel », organisant régulièrement des « apéros enracinés » à la Traboule.
La procédure enclenchée mercredi accuse les Remparts, qui n’ont pas le statut d’association, d’être « un groupement de fait et ses membres d’utiliser les locaux des deux autres associations », a expliqué la source proche du dossier. Elle s’appuie sur des appels à la haine contre la communauté LGBT, musulmane ou étrangère, prononcés par certains de ses membres, sur leur présence à des manifestations violentes ou sur des procédures judiciaires, selon cette source.
Le groupuscule avait récemment été mis en cause pour avoir pris part à l’organisation en novembre d’un rassemblement d’extrême droite aux allures d’expédition punitive suite à la mort du jeune Thomas, poignardé à Crépol dans la Drôme.
Malgré une interdiction de la préfecture, des centaines de personnes s’étaient regroupées à Lyon pour scander des slogans identitaires, comme « Français réveille-toi, tu es ici chez toi », tandis que des vidéos relayées par l’organisation montraient des individus masqués brandissant une banderole « l’immigration tue » et criant « Islam hors d’Europe ».
Les Remparts étaient dans le viseur de plusieurs élus locaux de longue date, mais les appels à la démanteler s’étaient faits plus pressants ces dernières semaines, notamment après l’interpellation mi-février de plusieurs hommes suspectés d’avoir pris part à une attaque de l’ultradroite en novembre contre une conférence propalestinienne dans le Vieux Lyon. Le même jour, l’ancien porte-parole des Remparts, Sinisha Milinov, avait été condamné à de la prison ferme pour une agression raciste au début du mois à la sortie d’un bar, avec un autre jeune homme.
« Nos alertes ont été entendues »
Mi-février, le maire écologiste de Lyon Grégory Doucet, qui réclame depuis deux ans la dissolution du groupuscule, ainsi que sept députés du Rhône avaient exhorté l’exécutif à dissoudre plusieurs groupes d’ultradroite actifs dans la ville, à savoir Les Remparts mais aussi le Lyon populaire, ainsi que leurs deux quartiers généraux, le bar La Traboule et la salle de sports l’Agogé.
L’édile lyonnais a salué ce jeudi l’enclenchement de la procédure. « Je remercie le ministre de l’Intérieur pour cette décision. Nos alertes ont été entendues », a réagi Grégory Doucet dans un message sur le réseau X. « Restons vigilants face au risque de reformation de l’extrême droite », a-t-il toutefois ajouté, en appelant à l’« unité nationale pour lutter contre ces ennemis de la République ».
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait indiqué début décembre que « les services de police et de renseignement travaillent » à la dissolution de l’organisation, sans toutefois livrer de calendrier. Constatant que la liberté d’association est « très fort(e) juridiquement en France », « il faut être très costaud pour aller au Conseil des ministres » présenter une telle dissolution, avec des « éléments certains » en poche, avait-il justifié.
Il avait assuré pour autant rester « très dur contre l’ultra-droite, comme l’on est très dur contre l’ultragauche », citant notamment les groupes Division Martel et La Citadelle, dissous depuis. « Je n’ai jamais eu la main qui tremble, à la fois pour mettre fin à des mosquées salafistes et des associations d’islam radical, et contre l’ultragauche ou l’ultradroite qui est dangereuse aussi, avec des attentats déjoués », avait-il également déclaré.