« Cela résoudra une partie de ma légitimité dans la boxe » : pourquoi Francis Ngannou compte battre Joshua

Francis Ngannou lors de la conférence de presse d’annonce de son futur combat face à Anthony Joshua, le 15 janvier à Londres. AFP/Daniel LEAL

Il n’a disputé qu’un combat cet automne, perdu sur décision partagée, contre le numéro 1 mondial Tyson Fury. Mais Francis Ngannou est déjà un boxeur incontournable. L’ancien détenteur de la ceinture mondiale des poids lourds de l’UFC, la plus haute distinction en MMA, entame une nouvelle carrière dans la boxe pour assouvir un rêve d’enfant.

Après avoir poussé Fury dans ses retranchements en l’envoyant à terre, l’ancien SDF dans les rues de Paris va défier un autre champion d’envergure planétaire : l’Anglais Anthony Joshua, champion olympique en 2012, ancien champion du monde WBA, IBF et WBO et actuel numéro 2 mondial des lourds. Le combat aura lieu le 8 mars (en direct et en pay-per-view sur la plate-forme DAZN) à Ryad en Arabie saoudite. Francis Ngannou s’est livré au Parisien-Aujourd’hui en France en exclusivité, par écran interposé.

Pourquoi voulez-vous défier les meilleurs poids lourds du monde ?

FRANCIS NGANNOU. Pourquoi ? Parce que je suis moi-même le meilleur (sourire). Ma réponse est aussi simple que ça. Même si je dispute mes premiers combats en boxe, je ne suis pas un nouveau venu dans les sports de combat. Je pense que j’ai déjà démontré un tout petit peu que je peux être compétitif dans ce domaine. Peut-être que certains pensent que je ne suis pas assez convaincant ni même légitime pour être boxeur. Mais moi, je trouve que je le suis.

Sentez-vous le besoin d’être respecté en tant que boxeur ?

Oui parce que le monde de la boxe est très fermé, conservateur. Beaucoup ont du mal à accepter les gens venant d’un autre sport comme moi. Il existe aussi une forme de rivalité entre la boxe et le MMA. Un combattant de MMA, comme je l’ai été et avec un certain niveau, doit prouver qu’il est à sa place.

Cette légitimité, avec Fury et Joshua, ne l’avez-vous pas déjà ?

C’est vrai et j’en suis fier. Je viens d’un sport dans lequel je suis monté au sommet. J’ai eu la ceinture mondiale des poids lourds de l’UFC et dans le MMA, il n’y a rien au-dessus. J’ai quitté l’UFC et je suis parti en tant que champion. Je pense qu’aux yeux des meilleurs boxeurs du monde, je reste ce champion. Ils me reconnaissent comme un des leurs. Peut-être est-ce moins le cas pour d’autres qui voient arriver un gars du MMA qui, dès ses premiers combats, affronte les plus forts. Peut-être que cela les rend un peu jaloux.

J’ai toujours grandi avec cette idée dans ma tête de devenir boxeur. Elle ne m’a jamais quitté, même lorsque j’étais une vedette de MMA.

Pourquoi tenez-vous tant à être boxeur ?

Vous le savez bien : j’ai toujours voulu en être un, bien avant de connaître le MMA. J’avais ce rêve quand je suis arrivé pauvre migrant en Europe, en France et à Paris. J’ai toujours grandi avec cette idée dans ma tête. Elle ne m’a jamais quitté, même lorsque j’étais une vedette de MMA. Cette envie d’enfant, je n’ai jamais eu l’occasion de l’assouvir plus tôt. Je sais au fond de moi que je m’en serais voulu pour le restant de ma vie si je n’avais pas essayé d’être un boxeur un jour ou l’autre.

Vous avez failli battre Tyson Fury…

(Il coupe) Vous pensez que j’ai été à ça (il montre son pouce et son index se rejoignant) de gagner et que j’ai perdu ? Moi, je sais que j’ai gagné même si les juges en ont décidé autrement.

Qu’en avez-vous appris ?

C’était mon premier combat et j’ai acquis de l’expérience. Je n’en avais pas dans ce sport. J’avais même beaucoup de doutes.

Lesquels ?

Je me suis demandé si j’étais apte à faire six, sept ou dix rounds et surtout dans quel état je serai à ces moments-là. J’ai les réponses. Je suis capable de faire 10 rounds contre les meilleurs poids lourds du monde. Voilà ce que le combat contre Fury m’a enseigné.

Qu’attendez-vous de celui contre Joshua ?

Gagner et si je gagne, je pense que cela résoudra une partie de ma légitimité dans la boxe si jamais on pose encore la question.

S’il faut parler de confort, je me sens mieux pour l’instant dans un combat de MMA. (…) Dans la cage, mon corps a acquis une mémoire que je n’ai pas encore sur le ring.

Qu’est-ce qui est le plus compliqué en passant du MMA à la boxe ?

Tout mais ça l’est aussi quand on passe de la boxe au MMA. En boxe, on ne frappe pas sur toutes les zones du corps. Elle demande plus de précision qu’au MMA. Celle-ci ne s’apprend qu’avec de l’expérience, du travail, des heures d’entraînement qui, pour ma part, se comptent par centaines.

Que préférez-vous entre les deux ?

J’aime les deux mais, s’il faut parler de confort, je me sens mieux pour l’instant dans un combat de MMA. J’y ai plus de métier. Dans la cage, mon corps a acquis une mémoire que je n’ai pas encore sur le ring. Je n’ai pas encore tous les automatismes et les mécanismes des boxeurs. Cela fait que les choses sont plus difficiles pour moi.

Reviendrez-vous au MMA ?

Pour l’instant, je prends les opportunités, les beaux combats qui se présentent. Il y a deux mois, il était encore question de MMA mais j’ai eu cette chance de pouvoir monter sur le ring. C’est la beauté de mon parcours : je peux aujourd’hui naviguer entre les deux sports.

Votre objectif est-il d’être champion du monde de boxe poids lourds ?

Ce n’est pas un objectif ni un désir. Mais c’est quelque chose qui peut arriver. Là où je suis, je ne me refuse rien.

Le parking que je squattais était proche de la gare de Bercy et, chaque matin, j’allais dans le parc de Bercy pour me laver et me brosser les dents. Je passais devant l’Accor Arena.

Quelle est votre plus grande envie ?

Découvrir jusqu’où je peux aller et ce que je peux faire. Ce serait une honte à mes yeux d’arrêter avant de savoir jusqu’où mon histoire me mènera. Je ne serai pas fier de ce que je suis si je devais me fixer des limites. Quand j’ai un rêve, je dois tout faire pour l’accomplir. Je voulais être champion du monde à l’UFC. C’est arrivé et me suis-je dit ce jour-là : « bravo, stop, tu t’arrêtes là » ? Non, bien sûr : j’ai continué à rêver encore plus grand.

N’êtes-vous pas tenté de représenter le Cameroun au tournoi olympique de boxe poids lourds cet été ?

Même si je sais que les professionnels ont le droit de participer, c’est généralement le chemin inverse qui est pratiqué : on devient champion olympique pour devenir champion du monde ensuite. Non, je ne pense pas que c’est quelque chose pour moi.

Que vous évoque Paris, dix ans après y avoir dormi dans la rue ?

C’est là où je suis arrivé en Europe. J’ai passé trois ans et demi à Paris. C’est la ville mythique. Le parking que je squattais était proche de la gare de Bercy et, chaque matin, j’allais dans le parc de Bercy pour me laver et me brosser les dents. Je passais devant l’Accor Arena. C’est la première Arena que j’ai vue de ma vie. Chaque matin, je me disais « un jour, je combattrai dans une salle comme ça ». Même si je dormais dans la rue, qu’il faisait froid dans mon parking, je savais que je pouvais et que j’allais trouver des opportunités pour me sortir de là.

En football, le Cameroun dispute la Coupe d’Afrique des nations. Êtes-vous un peu derrière votre sélection ?

Un peu ? Vous rigolez. Je suis à fond derrière elle ! Si cela reste entre nous, je pense même que le Cameroun va ramener la coupe à la maison.