La manifestation interdite du 25 mars à Sainte-Soline avait été émaillée de violents affrontements avec les forces de l’ordre. Reuters/Yves Herman
Interrompu début septembre en raison de la longueur des débats, le procès des organisateurs des manifestations interdites contre les « bassines » à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) va reprendre, ce mardi matin, devant le tribunal correctionnel de Niort.
La justice reproche à Benoît Feuillu et Basile Dutertre, militants des Soulèvements de la Terre, Benoît Jaunet et Nicolas Girod, représentants de la Confédération paysanne, ainsi qu’à Julien Le Guet, porte-parole du collectif « Bassines non merci » (BNM), d’avoir organisé la manifestation interdite du 25 mars émaillée de violents affrontements avec les forces de l’ordre. Après de premières violences en octobre 2022 à Sainte-Soline, la manifestation de mars avait dégénéré rapidement en affrontements avec les gendarmes, faisant de nombreux blessés. Deux manifestants ont passé plusieurs semaines dans le coma.
Trois d’entre eux, ainsi que deux syndicalistes CGT et Solidaires dans les Deux-Sèvres, David Bodin et Hervé Auguin, répondent aussi de la manifestation du 29 octobre 2022 contre ces réserves d’eau à usage agricole qui avait aussi engendré des heurts.
Un « usage disproportionné » des armes
Enfin, Sébastien Wyon, de la Confédération paysanne et Nicolas Beauvillain de BNM, comparaissent pour le vol d’une valve de canalisation pour l’arrosage des céréales, à Épannes (Deux-Sèvres), le 23 mars 2022, qui est également reproché à Basile Dutertre. Ils encourent six mois d’emprisonnement, outre des peines complémentaires pouvant aller jusqu’à la privation des droits civiques.
Si un rapport, la Ligue des droits de l’homme avait dénoncé un « usage disproportionné » des armes (grenades lacrymogènes, LBD) par les forces de l’ordre, la commission d’enquête parlementaire sur les violences en manifestations a conclu pour sa part mi-novembre à la « responsabilité écrasante des trois organisateurs » à Sainte-Soline.
Les Soulèvements de la Terre, Bassines non Merci et la Confédération paysanne, se sont pensés « comme des « soldats » d’une cause intégrant pleinement l’enjeu et la nécessité de la radicalité violente », estiment les rapporteurs de la commission. .
En septembre, certains prévenus s’étaient présentés comme des « lanceurs d’alerte » d’une « guerre de l’eau qui a déjà commencé ». Ils avaient nié être les organisateurs des manifestations, en mettant en avant la « diversité » du mouvement, « une vaste communauté », « sans chef » ne « reposant pas sur une organisation verticale » ou « militaire ».
La défense dénonce le « flou » de l’enquête
Les débats devraient reprendre vers 9 heures avec l’audition des témoins qui n’avaient pu être entendus, avant les réquisitions du parquet et les plaidoiries des six avocats de la défense qui pointent « la faiblesse de l’enquête ». « Je ne sais toujours pas ce qui est reproché à mon client, poursuivi comme personne physique et non morale », assure Maître lice Becker, conseil de David Bodin (CGT), en ajoutant : « On est toujours dans le flou total, sans aucun élément tangible, ce n’est pas un vice procédural, le parquet cherche à faire peur et dissuader ».
Comme lors de la première audience, les soutiens des mis en cause ont appelé au rassemblement à partir de 8 heures « pour revendiquer des relaxes et accompagner les prévenus ». Des tables rondes, projections et retransmissions théâtrales sont également prévues tout au long de la journée dans le centre de Niort. La préfecture des Deux-Sèvres a toutefois à nouveau interdit toute manifestation aux abords du tribunal.
Pour mémoire, seize retenues d’eau destinées à l’irrigation agricole, surnommées « bassines » par leurs opposants, sont programmées dans le Marais poitevin dont celle de Sainte-Soline. Elles visent à stocker de l’eau puisée dans les nappes en hiver, afin d’irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient.
Leurs partisans en font une assurance-récolte indispensable à leur survie face aux sécheresses à répétition ; les opposants dénoncent, eux, un « accaparement » de l’eau par l’agro-industrie et réclament un moratoire. Ils mettent en avant l’annulation par la justice administrative début octobre de deux projets portant sur la création de 15 retenues d’eau en Poitou-Charentes, pour leur inadaptation aux effets du changement climatique.
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