Quand une étude sur les dinosaures remet en question un principe scientifique vieux de 150 ans

quand une étude sur les dinosaures remet en question un principe scientifique vieux de 150 ans

Image d’illustration. Ombres de différents dinosaures.

De façon très simplifiée, la règle de Bergmann suggère depuis le XIXe siècle que plus les animaux vivent loin de l’équateur, plus ils ont tendance à être imposants. Or, des preuves issues des registres fossiles de dinosaures et de mammifères primitifs semblent raconter une histoire différente.

“Lorsque vous ajoutez des dinosaures dans l’équation, il arrive parfois qu’une règle ne s’applique tout simplement pas.” Telle est l’introduction de l’université de l’Alaska de Fairbanks (UAF, États-Unis), pour présenter une nouvelle et étude, menée avec l’université de Reading (Angleterre) et publiée dans Nature Communications le 5 avril 2024.

En examinant les archives fossiles liées aux dinosaures, les chercheurs ont découvert que la règle évolutionniste de Bergmann, qui relie depuis cent cinquante ans la taille du corps d’un animal à son environnement externe, n’est en réalité pas toujours applicable.

La règle de Bergmann s’applique-t-elle aux dinosaures ?

La règle de Bergmann a été décrite, comme son nom le suggère, par le biologiste allemand Carl Bergmann (1814-1865) en 1847. Le scientifique a remarqué que, parmi des espèces animales apparentées (d’un même groupe taxonomique), les individus de plus grande taille avaient tendance à évoluer dans des climats plus froids – et, donc, de plus hautes latitudes –, tandis que ceux de plus petite taille étaient généralement retrouvés dans des climats plus chauds, plus proches de l’équateur.

En substance, le principe suggère que les premiers ont une surface corporelle relativement petite par rapport à leur volume, ce qui les aide à conserver la chaleur dans des environnements plus frais – les ours blancs (Ursus maritimus), par exemple.

À l’inverse, les seconds auraient plus de facilité à “dissiper” la chaleur – comme c’est le cas pour les ours noirs (Ursus americanus), en comparaison à leurs cousins polaires trois fois plus lourds qu’eux. L’exemple vaut également pour les manchots : quand les empereurs (Aptenodytes forsteri) d’Arctique sont les plus grands des Sphéniscidés (Spheniscidae), ceux des Galápagos (Spheniscus mendiculus) au niveau de l’équateur sont parmi les plus petits.

L’équipe de recherche des universités américaine et britannique est ainsi partie d’une simple question : cette règle de Bergmann peut-elle s’appliquer aux dinosaures ? Pour déterminer si la corrélation entre la taille du corps et le climat était toujours de mise pour ces animaux préhistoriques, donc, elle a mis son nez dans les archives fossiles, qui ont été combinées à des modèles climatiques historiques.

Ces registres paléontologiques incluaient les données des dinosaures les plus septentrionaux connus, ceux de la formation de Prince Creek, dans le nord de l’Alaska. Cette couche géologique, formée par des dépôts sédimentaires d’anciens environnements fluviaux et côtiers, est surtout connue pour ses fossiles datant du Crétacé supérieur, plus précisément datés entre environ 72 et 66 millions d’années.

Pas de liens visibles entre taille, température et latitude

Dans ce qui était probablement à cette époque une forêt polaire dépourvue de glace au sol, des théropodes (Theropoda) et des ornithischiens (Ornithischia) – les deux principaux groupes de dinosaures de l’ère mésozoïque – ainsi qu’un groupe de mammifères ancestraux, les mammaliaformes, ont connu des températures glaciales et des chutes de neige à des latitudes extrêmement élevées.

Pour autant, les chercheurs n’ont observé aucune augmentation notable de leur taille corporelle par rapport à leurs parents vivant dans des zones relativement tempérées. De même, l’évaluation a été réalisée pour leurs descendants, des oiseaux modernes (Neornithes) et des mammifères actuels.

Les résultats du modèle phylogénétique, appliqué à des milliers d’espèces, se sont révélés largement similaires : la latitude et la température n’étaient prédictrices de l’évolution de la taille corporelle.

Un effet de température modeste a été trouvé chez les oiseaux, notent néanmoins les auteurs de l’étude. Mais pas chez les oiseaux mésozoïques, suggérant que l’évolution de la taille corporelle chez les seuls représentants actuels des dinosaures théropodes a été influencée par la règle de Bergmann lors des changements climatiques du Cénozoïque. C’est-à-dire, lors de l’augmentation rapide des températures mondiales et des niveaux de CO2 atmosphérique il y a environ 55,5 millions d’années.

“Notre étude montre que l’évolution de tailles corporelles diverses chez les dinosaures et les mammifères ne peut pas simplement être réduite à une fonction de latitude ou de température”, déclare dans un communiqué Lauren Wilson, étudiante diplômée de l’UAF et coauteure de l’étude.

Ainsi, l’observation de Bergmann, vieille de plus d’un siècle, serait davantage l’exception que la règle : elle ne serait applicable qu’à un sous-ensemble d’animaux “homéothermes” – qui maintiennent la température de leur corps stable –, et ce seulement lorsque toutes les autres variables climatiques sont ignorées. Comme le montre l’étude, elle ne fonctionnerait pas pour les espèces éteintes.

Selon les scientifiques, ces découvertes sont un bon exemple de la raison pour laquelle le registre fossile devrait être utilisé pour tester les règles et hypothèses scientifiques actuelles. Il offre “une fenêtre sur des écosystèmes et des conditions climatiques complètement différents, nous permettant d’évaluer l’applicabilité de ces règles écologiques d’une toute nouvelle manière”, ajoute dans la publication Jacob Gardner, chercheur postdoctoral à Reading et coauteur principal de l’article.

Vous ne pouvez pas comprendre les écosystèmes modernes si vous ignorez leurs racines évolutives. Vous devez regarder vers le passé pour comprendre comment les choses sont devenues ce qu’elles sont aujourd’hui. – Patrick Druckenmiller, directeur du musée de l’université de l’Alaska du Nord et autre coauteur.

En soulignant la complexité des traits évolutifs, cette étude encourage finalement les experts à remettre en question les principes écologiques et évolutionnistes de longue date – du moins, à adopter des approches plus nuancées – et à explorer d’autres facteurs influençant l’adaptation des espèces.

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