« Le doigt sur la détente, c’est une faute gravissime » : des policiers sur le tournage de « Face à face »

Au lendemain d’une fête bien arrosée, le corps inanimé d’une jeune fille est retrouvé dans le hangar du club d’aviron local. Tout semble accuser le type avec qui elle a quitté la soirée, néanmoins présumé innocent « tant que sa culpabilité n’a pas été établie ». Le jour de la reconstitution, il vrille et prend tout le monde en otage, y compris Vanessa Tancelin, commandante un peu tête brûlée de la police judiciaire de Strasbourg, campée par Constance Gay, demi-sœur de Justine Rameau, juge d’instruction psychorigide, interprétée par Claire Borotra.

Pour rendre l’intervention des forces spéciales crédible à l’écran, la production de « Face à face » a fait appel à 27 figurants, parmi lesquels des anciens du Raid, coachés par Stéphane Lagoutte, conseiller audiovisuel spécialisé dans ce genre de mises en scène. Nous étions sur le tournage du double épisode de la série, diffusé ce mardi à 21h10 sur France 3.

Ce matin-là, le soleil brille sur le Rhin, qui coule en contrebas du Rowing Club de Strasbourg (Bas-Rhin). Dans le hall du club d’aviron fondé, comme le rappelle un écriteau, en 1879, une bonne douzaine de flics enserrés dans des gilets pare-balles sirotent tranquillement un café. Dehors, d’autres figurants, casqués et armés, tournent la progression des policiers le long du hangar, sous l’œil affûté de Stéphane Lagoutte. « Tu colles, tu colles ! Vas pas si loin ! Avance, avance », guide le conseiller audiovisuel, qui est également intervenu sur « le Négociateur », comédie policière avec François-Xavier Demaison, récemment diffusée sur TF 1, « l’Île prisonnière » (France 2) ou encore « Dérapages » (Arte).

Flic à l’écran, c’est aussi un métier

« Il n’y a jamais de précipitation dans ces unités, insiste cet intermittent du spectacle, ancien militaire et qui a suivi une formation police-gendarmerie appliquée au cinéma. C’est toute une gymnastique, très spécifique, autour de la façon de se déplacer, de tenir une arme, que les figurants n’ont pas forcément. Faire un policier en uniforme, c’est très facile. En revanche, porter un équipement lourd, dont un casque de 3,5 kg, se déplacer avec un bouclier pour protéger son voisin, ça ne s’improvise pas. »

Aujourd’hui, Stéphane Lagoutte fait la chasse aux index oubliés au mauvais endroit sur les armes à feu. « C’est une faute gravissime ! répète-t-il à l’adresse de deux figurants qui ont tendance à garder le doigt sur la détente. Ces détails ont leur importance à l’écran. »

Pour les figurants qui endossent pour la première fois l’uniforme de policier du Raid, pas si facile de ne pas se marcher sur les pieds.

En attendant que ça tourne, un homme tout en muscles fait des squats sous l’œil admiratif de ses camarades. Un casque pare-balles dans chaque main, cet ancien du Raid demande à se faire appeler Rachid, pour préserver son anonymat, et sourit : « L’équipement pèse lourd, les cervicales en prennent un coup. C’est pour ça qu’on se muscle : il faut réussir à le porter toute la journée. »

« Rien que le gilet pare-balles pèse 10 kg », souffle Claire Borotra, les cheveux relevés en un chignon bricolé à la hâte, pendant qu’elle enfile son costume. La comédienne, qui semble encore plus menue dans cette tenue, apprécie les séances de sport qu’elle effectue quotidiennement.

« Quand je peux, je préfère travailler avec des vrais policiers »

« Ça fait un certain poids, confirme Stéphane Lagoutte. Un figurant a entre 10 et 15 kg sur le dos. C’est essentiel d’avoir du vrai matériel, ça fait la différence à l’image. » À chaque fois qu’il faut refaire une prise, le conseiller audiovisuel peste : « Quand je peux, je préfère travailler avec des vrais policiers. Du moment qu’ils ne sont pas reconnaissables, ils ont le droit de faire de la figuration. Ils connaissent déjà les gestes, ce n’est donc pas la peine de refaire vingt fois la même scène ! »

La caméra se met à tourner, les policiers avancent en file indienne. Il faut veiller à ce que personne ne se marche sur les pieds. Au bout de quelques prises à se déplacer fusil-mitrailleur à bout de bras, les figurants commencent à fatiguer. « C’est là que tu vois la force qu’il faut aux gars du Raid », souffle Mathieu, 44 ans, qui endosse l’uniforme pour la première fois.

Certains figurants vont manier une arme pour la première fois.

« Ce matériel est conforme à celui avec lequel on intervient quand on va chercher un individu retranché chez lui, par exemple, reprend Rachid. Quand on a une colonne d’assaut à former, on met toujours le bouclier en tête et l’arme d’épaule en dernière position. On demande que les règles de sécurité soient exactement respectées. »

Les autres figurants le pressent de questions, auxquelles il répond de bonne grâce. « Quand on prend une arme, on doit toujours la considérer chargée et la diriger toujours vers une zone susceptible d’absorber un tir accidentel, détaille-t-il. Et, surtout, garder le doigt le long du pontet tant qu’il n’y a pas obligation de faire feu. »

En milieu d’après-midi, Stéphanie Tchou-Cotta, la réalisatrice, sort un mégaphone. « Éloignez-vous ou mettez un casque, prévient-elle. Stéphane va tirer en l’air. » Le geste précis, il court se poster derrière une voiture, épaule et vise. On a beau être averti, la détonation fait sursauter. « Les riverains ne vont pas s’inquiéter ? », s’interroge Mathieu. Pas s’ils regardent France 3 ce mardi.