Il faut remonter le temps pour comprendre d’où nous vient cette particularité orthographique.
Doit-on écrire «oignon» ou «ognon» ? Le mot a connu multiples changements au fil des siècles. Le dramaturge Théodore Leclercq (1777-1851) l’écrivait sans la lettre «i», dans ses Proverbes dramatiques (1835) : «Mon satin est un satin fort, et celui-ci une pelure d’ognon.» Colette l’écrivait avec l’autre orthographe : «“Sido” n’avait point sa pareille pour feuilleter, en les comptant, les pelures micacées des oignons.»
Le mot est issu du latin populaire «unio», c’est-à-dire «unité», puis «oignon», que l’on rattache à «unus», «un, un seul», car cette plante – à la différence de l’ail – a un bulbe unique. On l’a ensuite écrit de la façon suivante : «unniun» au XIIe siècle ; «oingnun» au XIIIe siècle. Ce n’est qu’au XIVe siècle qu’on peut le lire sous la forme d’«oignon» telle qu’on la connaît de nos jours. Le Dictionnaire de l’Académie française adopte oignon dans ses éditions de 1718, 1740 et 1762, puis choisit ognon en 1798. Les deux graphies «oignon» et «ognon» ont existé tour à tour depuis le XVIIIe siècle jusqu’à ce que l’orthographe «oignon» devienne celle adoptée en 1935. Dès lors, la tolérance à l’égard de la graphie «ognon» cesse d’être de mise.
Le Trésor de la langue française note en résumé : «1718-1762 : oignon ; 1798 : ognon ; 1835, 1878 : oignon, ognon ; 1935 : oignon». Mais pourquoi a-t-on ajouté un «i» dans un mot qui se prononce «ognon» ? Ou au contraire, pourquoi ne le prononce-t-on pas comme il s’écrit, c’est-à-dire phonétiquement «ouagnon» ? Il faut remonter le temps pour comprendre d’où nous vient cette particularité orthographique. De fait, en ancien français, le graphème «ign» notait le «n» palatal. Il s’agissait d’une variante passée du son «gn». Le «i» n’était donc pas prononcé, il servait à montrer la bonne prononciation du mot afin qu’il ne soit pas lu comme pour le mot «gnou».
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Suppression de la lettre «i»
Un jour, l’Académie française a supprimé le «i» de tous les mots où il n’était pas prononcé. Ainsi, jusqu’au XVIIe siècle, on retrouvait encore des mots comme «campagne» sous l’orthographe «campaigne», «gagner» sousl a forme «gaigner» et l’adjectif «estraigne» est devenu «étrange». Avec le temps et l’usage, cette orthographe a été simplifiée pour ne garder que le «gn». Certains mots, ayant vu leur prononciation changée comme «soigner» ou «poigne» (dont on prononce le «oi») ou «araignée» (le son «ai» est également entendu), ont gardé la lettre «i». D’autres ont gardé trace de l’ancienne notation : c’est le cas des mots «seigneur» ou «oignon». «Convenons-en : le “i” d’oignon aurait pu tomber naturellement au fil des siècles, comme “montaigne” est devenu “montagne”, “besoigne” “besogne” ou “roignon” “rognon”, et nul n’y aurait trouvé à redire», reconnaît l’académicien Frédéric Vitoux dans un billet intitulé «Éloge de l’oignon».
Seulement, voilà. Une partie des Français prononçait le mot «ognon» comme «rognon» et l’autre disait «oignon» comme «moignon». Résultat, le «i» d’«oignon» n’a pas été touché pour respecter l’usage en vigueur. Cependant, la première guerre du «nénufar», lors des rectifications de l’orthographe de 1990, remet la graphie «ognon» sur la table, désormais reconnue comme non fautive et obligeant la graphie «oignon» à accepter la coexistence de son homonyme sans «i». On garde les deux usages car dans certaines régions de France, on prononce «ouagnon».
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Bien que la nouvelle graphie «ognon» permette de rectifier cette «anomalie orthographie», trente ans après, c’est toujours orthographe «oignon» qui est préférée des Français, quoi qu’en disent les défenseurs de la nouvelle orthographe. On laisse le mot de la fin à Frédéric Vitoux : «Sur nos marchés, les maraîchers […] continuent de tracer bravement à la craie le mot “oignons” sur leurs ardoises. Leur révolte n’est pas élitiste. Elle est populaire. Aucun doute, il faut les soutenir, il faut se placer derrière eux. En rang d’oignons, cela va sans dire. Et bon appétit !»
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