Retraites: dans les coulisses de la bagarre sur le magot de l’Agirc-Arrco

retraites: dans les coulisses de la bagarre sur le magot de l’agirc-arrco

L’Agirc-Arrco concerne 13 millions de retraités du privé et 26 millions de cotisants.

Remontée du chômage attendue dès l’an prochain. Poids de la dette qui pèse sur la France, avec la décision très attendue de l’agence de notation S&P ce vendredi. Alors que les nuages s’amoncellent sur le front économique, les relations se crispent entre le président de la République et les partenaires sociaux. Non seulement le gouvernement a décidé lundi de bloquer leur accord sur l’Assurance chômage, mais la bagarre sur le magot de l’Agirc-Arrco se poursuit. Après avoir soulevé un tollé en voulant ponctionner 1 à 3 milliards d’euros par an dans les caisses de l’Agirc-Arrco, l’exécutif a renoncé à passer en force dans le projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS). Mais s’il a reculé sur la forme, il n’a pas désarmé sur le fond. Affirmant vouloir « privilégier le dialogue social», Matignon a demandé aux partenaires sociaux de «rouvrir le travail». Ces derniers ont accepté de créer un groupe de travail paritaire «chargé de définir des dispositifs de solidarité en direction des allocataires du régime Agirc-Arrco, articulés avec les dispositifs déjà existants au sein du régime«. C’est tout l’enjeu des négociations qui débutent ce mardi entre patronat et syndicats, gestionnaires du régime. Retour sur un feuilleton à rebondissements.

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Fin septembre, en manque d’argent pour financer sa promesse d’augmenter les petites retraites à 1200 euros, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, déclare vouloir ponctionner 1 à 3 milliards d’euros par an dans les caisses de retraite des salariés du privé Agirc-Arrco, qui ont dégagé un excédent de 5 milliards en 2022 et sont assises sur 68 milliards d’euros de réserves. Un article inscrit dans le budget de la Sécu devait lui permettre ce tour de passe-passe. Syndicats et patronat, gestionnaires du régime Agirc-Arrco, montent aussitôt au créneau, dénonçant un «hold-up». Les cotisations des salariés du privé appartiennent au privé et n’ont pas vocation à renflouer les caisses du public, ni financer les promesses du gouvernement, plaident-ils, dans une rare unanimité.

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Technique, le sujet prend vite un tour politique. À l’Assemblée et au Sénat, Budget de la «Sécu»: le Sénat s’oppose au risque de «ponction» de l’Agirc-Arrco. Les groupes Liot et LR menaçant même de déposer une motion de censure si l’article incriminé n’était pas modifié. L’opinion publique a, de son côté, plutôt bien compris l’enjeu: «c’est comme si on transformait la cotisation retraite en impôt», résume lapidaire Michel Beaugas, responsable confédéral Force Ouvrière. «Le risque d’une ponction est que les retraites complémentaires soient peu ou pas revalorisées dans les années à venir», conforte Brigitte Pisa (CFDT).

Pour éteindre l’incendie, l’exécutif a retiré la mesure, tout en pressant les partenaires sociaux de trouver une solution. «Ils n’ont pas reculé, ils ont juste repoussé le tas de sable», affirme un expert du dossier, qui préfère rester anonyme tant le sujet cristallise les tensions et crée une «sale ambiance». Agacé, Emmanuel Macron a poussé un coup de colère la semaine dernière, à destination du patronat: « Réveillez-vous ! Nous ne sommes pas arrivés », a tancé le chef de l’État, incitant à poursuivre les réformes.

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C’est dans ce contexte que patronat et syndicats rouvrent des négociations ce mardi. «Nous allons voir ce que nous pouvons faire. Mais juridiquement, c’est très compliqué. Aucune base légale n’oblige le régime privé de l’Agirc-Arrco à être solidaire avec le public», prévient un participant. «On va discuter des mécanismes de solidarité au sein du régime. On verra. Il y a loin de la coupe aux lèvres», indique un membre du patronat. «Une pression latente est toujours présente mais il n’y a plus d’injonction ferme. On va pouvoir travailler sereinement sur ces questions de petites pensions au sein du régime», indique Christelle Thieffine (CFE-CGC). «On accepte de se réunir pour sauver le soldat Agirc-Arrco. On va voir comment on peut participer au financement des petites pensions, mais ce sera uniquement pour nos propres assurés», avertit Michel Beaugas (FO). Ce geste représenterait un effort de 400 millions d’euros par an. « Nous n’avons pas les moyens d’aller au-delà, sinon c’est tout le régime qui s’effondre», affirme-t-il.

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Pour Matignon, l’essentiel est d’enclencher « une mécanique vertueuse » et d’avoir « un premier enjeu de cofinancement » des petites retraites en 2024, qui pourrait ensuite monter en puissance en même temps que les excédents engrangés par l’Agirc-Arrco. « Pour la suite, on verra. À chaque année suffit sa peine. Les économies générées par la réforme montent en charge progressivement », ajoute le cabinet de Elisabeth Borne. Car dans l’esprit d’Olivier Dussopt, le ministre du travail, proche de l’Élysée, l’Agirc-Arrco va profiter de la réforme des retraites, qui va lui rapporter 22 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 15 ans, et doit légitimement rendre une partie de cette manne. «Macron a pris son risque. Il estime avoir payé le prix politique de la réforme des retraites, il veut en tirer maintenant tous les bénéfices», explique un député. «I want my money back, c’est leur leitmotiv après avoir pris tous les coups de la réforme des retraites», résume un autre.

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La discussion est d’autant plus compliquée que le chiffre est contesté par les partenaires sociaux. «Les assurés Agirc-Arrco partent déjà à 63,5 ans, donc la réforme aura peu d’impact. On ne sait pas du tout comment l’État calcule ces 22 milliards de recettes. On parle d’excédents virtuels», s’interroge un gestionnaire. «On aura moins de retraites à payer car les gens vont partir plus tard, mais on devra payer des retraites plus élevées car les gens auront travaillé plus longtemps», alerte un autre. «Il n’y a pas de magot de l’Agirc-Arrco, au regard des 2300 milliards de droits accumulés que nous devons assumer», martèle Diane Deperrois (Medef). Les partenaires sociaux plaident que le retour à meilleure fortune du régime est dû à leur bonne gestion : ils mettent en avant leurs «décisions courageuses et responsables» prises en 2015 quand le régime était en déficit et les efforts demandés aux salariés («malus» de 10% durant trois ans sur les pensions, sous-indexation par rapport à l’inflation etc.) pour remettre les comptes sur les rails. Plutôt que de reverser leurs excédents à l’État, ils ont décidé d’en faire un tout autre usage: dans un accord, signé le 5 octobre, ils ont supprimé le «malus» pesant sur les retraités et décidé de revaloriser les retraites complémentaires du privé de 4,9%. Vécu comme un camouflet, cet accord a ulcéré l’exécutif, dénonçant une générosité irresponsable. «L’État fait plus que nous, il a décidé de revaloriser les retraites de base de 5,2% l’an prochain avec de l’argent qu’il n’a pas», rétorque un syndicaliste.

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Mais, au-delà des aspects purement budgétaires, c’est aussi l’avenir du paritarisme de gestion qui est en jeu. Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron s’est toujours méfié des corps intermédiaires. Echaudés sur l’Assurance-chômage, les partenaires sociaux voient dans ce nouvel épisode Agirc-Arrco la tentation du président de la république «d’étatiser la protection sociale». Patronat et syndicats jouent donc leur va-tout pour conserver leur rôle dans la gouvernance du régime.

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