De "super-héros à maestro": comment Nikola Karabatic fait-il pour être encore aussi fort à 40 ans?

Il y a des palmarès qui marquent un peu plus que d’autres. Celui de Nikola Karabatic est hors-norme. Pour son 40e anniversaire, il est celui qui a plongé le handball et le sport co français dans une autre dimension. “Kara” est l’athlète le plus titré de l’histoire des sports collectifs tricolores. “Il a remporté 72 titres en 22 ans de carrière”, confie son agent de toujours Bhakti Ong qui considère Karabatic comme un fils. En 22 ans, il est 21 fois champion. On se souviendra de 2013 comme la seule année où il ne remporte pas le championnat. Il cumule 11 titres en équipe de France et 30 nominations individuelles. Partout où il passe, quel que soit son âge, il gagne.”

Karabatic éclabousse la planète handball dès ses débuts. En 2003 pour sa première saison pleine, il remporte la Ligue des champions avec Montpellier en inscrivant 11 buts lors du match aller de la finale. Vingt ans plus tard, il a joué un rôle majeur lors du dernier championnat d’Europe remporté par l’équipe de France. “Je suis d’un côté surpris par Niko vu son âge et sa longévité”, analyse Olivier Maurelli ancien international français devenu préparateur physique des Bleus. “Mais c’est quelqu’un qui fait tellement attention à son corps depuis longtemps que finalement ça ne me surprend pas tant que ça. Il a tellement d’expérience qu’il arrive à avoir des niveaux de performances qui sont justes exceptionnels pour quelqu’un de 40 ans. On l’a vu sur les dernières compétitions, si l’équipe de France arrive à performer comme ça c’est parce qu’il est bon, il nous apporte beaucoup. Dans son engagement, au niveau tactique, technique, c’est une icône pour les jeunes, ils le suivent.”

La légende du PSG et du handball, Nikola Karabatic, le 4 avril 2024

Maurelli: “Il n’est plus le plus fort, le plus rapide, le plus endurant mais il est encore au très haut-niveau”

En 22 ans de carrière, Karabatic a évidemment dû s’adapter. Trop éprouvant dans ce sport de duels d’être l’impact player de son équipe en disputant 60 matchs par an. “Il n’est plus le plus fort, le plus rapide, le plus endurant mais il est encore au haut niveau dans ces indices-là, poursuit Maurelli. C’est quelqu’un qui reste très haut dans les valeurs d’endurance, de force… Il n’est plus à son summum mais ça lui permet de maintenir une qualité de jeu essentielle pour performer.” Pendant longtemps, il a été le scoreur, celui qui devait prouver qu’il était le meilleur du monde, programmé pour gagner des titres. “On aurait dit un super-héros le mec”, raconte Adrien Di Panda, un de ses meilleurs amis avec qui il a été champion du monde en 2017. “Il avait un corps parfait, les abdos, les pecs… Il jouait comme un super-héros, c’était une machine de guerre, incassable. Tu avais l’impression de voir Superman qui débarquait et petit à petit il s’est transformé en leader d’équipe. Il a arrêté d’être ce mec incassable. C’est devenu un maître à jouer du handball, il a augmenté sa palette. Ce n’était plus seulement une force de la nature, c’était le joueur complet par excellence. Il s’est transformé en maestro.”

Une superstar qui a sublimé chacun des coéquipiers qui l’ont côtoyé quand on échange avec beaucoup d’entre eux. Surtout que Karabatic met un point d’honneur à ne jamais être mis plus en avant qu’un autre. Jamais capitaine de ses équipes sauf concours de circonstances, jamais à vouloir profiter de son statut pour se préserver malgré les blessures qui ont pu le toucher. “Quand il s’est fait opérer du pied il y a deux ans, on s’est vu pendant l’été”, témoigne Mickaël Robin gardien de but de Saint-Raphaël en Liqui Moly Starligue et grand ami de ‘Kara’. “Je m’occupais de son pied (ndlr: il est kiné en plus de son statut de joueur pro) et je vois bien qu’il a mal même s’il ne le dira jamais. Je lui demande comment il gère la prépa physique avec le PSG. Il me dit que c’est un peu dur mais qu’il ne peut pas se permettre de rater les séances de courses par rapport à l’équipe. Je lui ai répondu: ‘Mais tu es le meilleur du monde, irréprochable dans ton engagement, qu’est ce tu en as à foutre de te rajouter de la douleur en plus pour une séance de course, tu n’as plus rien à prouver…’ Mais ça résume le personnage de Niko. Il ne lâche rien et donne tout pour les autres.”

Di Panda: “Il rentre dans le vestiaire, on sait à ce moment-là qu’on va gagner tous les matchs “

Sa longévité, Karabatic la doit aussi à son cercle familial. Sa famille organisée autour de sa mère Lala, les moments partagés sur le terrain avec son frère Luka. C’est ce cercle qui lui a permis de traverser l’affaire des paris à Montpellier en 2012. “C’est un moment où tout le monde lui tourne le dos, on n’était pas nombreux à être leurs côtés”, se remémore Bhakti Ong. “C’est un mauvais souvenir mais comme tout il s’est recentré sur l’essentiel, sa famille. Son contrat a été racheté par Aix en Provence avant de filer à Barcelone qui le courtisait depuis toujours.” “Pour sa famille et son groupe d’amis, il n’a pas de limite”, ajoute Mickaël Robin. Il fait tout pour qu’on arrive à se voir une fois par an. C’est très important pour lui.”

Pour sa dernière saison, Karabatic a, pour la première fois, basculé dans le plaisir. Loin de l’obsession de la gagne et avec la sensation d’avoir bouclé la boucle de sa carrière de handballeur. Et même si les Jeux à Paris doivent désormais trotter dans un coin de sa tête, il a toujours réclamé qu’il ne souhaitait y participer que s’il le méritait sportivement. “J’ai joué avec tous les mecs de la génération des Experts mais j’ai un souvenir incroyable avec Niko”, conclut Adrien Di Panda. “Quand il revient à Montpellier après avoir quitté Kiel (en 2009), il entre dans le vestiaire, c’est son premier entrainement et à partir de ce jour-là on savait qu’on allait gagner tous les matchs. Ce mec, à partir du moment où il était dans ton équipe, avec son aura, son charisme, sa qualité, tu avais la sensation de ne jamais pouvoir perdre.” De bon augure pour terminer son immense carrière avec une 4e médaille d’or olympique autour du cou à Paris.